Blasons et armoiries

C’est dans la première moitié du XIIe siècle que les armoiries* apparaîssent un peu partout en Europe Occidentale, mais principalement dans les régions entre la Loire et le Rhin.
De nombreuses théories ont essayé d’expliquer cette apparition. Aujourd’hui il est admis qu’elle est liée à la transformation de la société occidentale au lendemain de l’an mille et à l’évolution de l’équipement militaire entre la fin du XIe et le milieu du XIIe siècle.

Se reconnaître au combat

Au début du millénaire les combattants occidentaux sont rendus à peu près méconnaissables par le développement d’armures qui couvrent de plus en plus le corps et le visage. A partir des années 1080-1120, ils prennent progressivement l’habitude de faire peindre sur la surface plane de leur bouclier des figures géométriques, animales ou florales leur servant de signe de reconnaissance à l’intérieur des mêlées aussi bien en temps de guerre et surtout pendant les tournois. Au début ces figures ne sont pas héréditaires; elles sont individuelles.

A partir des années 1170, les armoiries s’étendent progressivement à la famille. A la fin du XIIe siècle leur usage est souvent devenu héréditaire. C’est le caractère héréditaire et familial qui leur donne leur essence définitive.
Les armoiries sont le produit d’éléments différents et usages emblématiques antérieurs comme les bannières, les étoffes ou les sceaux. Par exemple aux boucliers a été emprunté la forme triangulaire de l’écu héraldique.

illustration Destriers du codex manese du Moyen Age

Destriers du codex manese

blason des comtes de Ferette

Armoiries des comtes de Ferrette

Pierre tombale du chevalier de Ribeaupierre

Pierre tombale du chevalier de Ribeaupierre


Les armoiries et l’émergence de l’identité

 Armoiries Reich de Reichenstein, Landskron

De l’effondrement de l’empire carolingien et des troubles qui l’ont suivi est sorti un ordre social nouveau qualifié de féodal ou seigneurial. Ce nouvel ordre seigneurial se caractérise par une intégration forte de l’individu à l’intérieur de classes et de catégories sociales. Chaque individu – noble ou roturier, clerc ou laïque, paysan ou citadin – est désormais placé dans un groupe. Les armoiries semblent être nées de cette nouvelle structure sociale.

A structure nouvelle, étiquette nouvelle : il faut s’identifier, se reconnaître, se proclamer. Or les systèmes d’identité anciens ne suffisent plus. L’armoirie est une de ces identités nouvelles.

L’émergence de l’identité

D’autres signes s’affirment en même temps : les noms patronymiques se diffusent dans la classe noble. Le vêtement masculin subit des modifications. On passe du court au long, on se dote de formes et de couleurs nouvelles. Le vêtement s’enrichit d’ornements et d’accessoires jusque là réservés au vêtement féminin. Les attributs ont tendance à se multiplier dans les images au-delà des personnages importants et des grands saints pour mettre en scène toute la société : officiers subalternes, gens de justice, valets et serviteurs, artisans, simples curés… : tout le monde reçoit des attributs. Chacun doit être à sa place et identifiable ; mais aussi sa place à l’intérieur d’un groupe.


Les caractéristiques des armoiries

 Vitrail aux armes des échevins corporation Lanterne Musées de StrasbourgQui les porte ?

Le port d’armoiries n’a jamais été réservé à une classe sociale. Chaque individu, chaque famille, chaque groupe est libre d’adopter les armoiries de son choix et d’en faire l’usage privé qui lui plaît à condition de ne pas usurper celle d’autrui.

Utilisées d’abord par les princes (ducs, comtes) et les grands seigneurs, elles sont progressivement adoptées par l’ensemble de l’aristocratie occidentale (XIIIe siècle). En même temps leur emploi s’est étendu aux non combattants, aux non nobles et à différentes communautés et personnes morales : patriciens et bourgeois (1220), artisans (1230/1240), villes (fin du XIIe) corps de métier (1250), institutions et juridictions…
L’église, d’abord réticente car les armoiries ont été élaborées hors de son champs, s’y introduit progressivement.

Une marque qui s’élargit au-delà du champ militaire

Très tôt, seigneurs et chevaliers ne se contentèrent pas de faire peindre sur leur bouclier des armoiries qu’ils venaient d’adopter. Ils les firent représenter sur leur bannière, sur la housse de leur cheval puis sur différents biens meubles et immeubles leur appartenant dont principalement leur sceau, symbole de leur personnalité juridique.
Dans les familles chevaleresques, on complète également les armoiries par d’autres attributs comme le cimier qui surmonte le casque de combat ou de tournoi: cet ornement, qui peut se présenter comme un bouquet de plumes, ou un emblème (étoile, animal, etc..) sert à identifier plus précisément un individu ou une branche du lignage.


Figures et couleurs : un code strict

 Armoiries des LichtenbergDès leur apparition, les armoiries se composent de deux éléments : des figures et des couleurs qui prennent place dans un écu délimité par un périmètre dont la forme est indifférente même si la forme triangulaire héritée des boucliers du XIe siècle est la plus fréquente.

A l’intérieur de cet écu, couleurs et figures ne s’emploient ni ne se combinent de façon indifférente. Elles obéissent à des règles de composition, peu nombreuses mais rigoureuses, dont la principale concerne l’emploi des couleurs. Ces dernières sont au nombre de six : blanc, jaune, rouge, bleu, noir et vert. Leur nuance ne compte pas. Le rouge peut être indifféremment clair, foncé rosé….

Dès le début le blason répartit les six couleurs en deux groupes :

  • Le premier composé des métaux avec le blanc (argent) et le jaune (or).
  • Le deuxième composé des émaux : le noir (sable), rouge (gueule), bleu (azur) et vert (sinople).

La règle fondamentale est de ne pas juxtaposer ou de superposer deux couleurs qui existent dans le même groupe.
Cette règle fondamentale semble avoir existé depuis les années 1150 et être due, au départ, à des questions de visibilité.


Des figures en augmentation constante

Dans les armoiries primitives, les couleurs semblent constituer l’élément essentiel. Il existe des armoiries sans figure mais il n’en existe pas sans couleur.
Dans les décennies qui suivent l’apparition des armoiries, ce répertoire se limite à encore une cinquantaine de figures, après les années 1200, il va en augmentant jusqu’à la fin du XIIIe siècle.

Ce répertoire est constitué pour un tiers d’animaux (le lion étant le plus fréquent), un tiers de figures géométriques fixes résultant de la division de l’écu en un certain nombre de bandes et un dernier tiers de petites figures géométriques fixes mais pouvant prendre n’importe quelle place dans l’écu : étoiles, losanges… Les végétaux sauf la fleur de lis et la rose, les objets (armes outils) sont plus rares.
Les premières armoiries ont une structure simple: une figure d’une couleur posée sur un champ d’une autre couleur, ce qui permet d’être mieux vu de loin. Dès le XIVe siècle elles ont tendance à se compliquer pour exprimer une alliance, une parenté, une branche.


Pour aller plus loin

Michel Pastoureau, L’Art héraldique au Moyen Age, Seuil, Paris 2009.
A voir en Alsace : Le musée du sceau alsacien, 17, rue du Château, 67290 La Petite Pierre musee.sceaualsacien.pagesperso-orange.fr

*Bien que les termes soient souvent employés l’un pour l’autre, ils répondent à des définitions précises
Armoiries : Emblèmes en couleur qui sont soumis à quelques règles qui ont pour objet de définir l’identité d’une personne.
Blason : ensemble des règles qui régissent les armoiries.